De Cafayate à Chilecito : un détour et de grandes lignes droites

Un aller-retour à Tafi del Valle

Nous prenons donc la route 40 au départ de Cafayate, une belle route asphaltée qui traverse les vignes. Les vignes basses, cultivées comme en France, côtoient les vignes hautes.

Vignes basses et vignes hautes

Au bout de quelques kilomètres, les vignes laissent la place à une forêt éparse sur sol sableux (avec toujours quelques cactus), que nous traversons sur un faux plat ascendant, sous les rayons bien chauds du soleil… Les kilomètres ne défilent pas très vite, alors quand le chauffeur d’un petit camion s’arrête devant nous pour nous proposer de nous emmener, on accepte avec plaisir (en suivant notre principe de ne jamais refuser une proposition d’aide motorisée). Nous voulions aller à Quilmes, mais le chauffeur nous propose de nous emmener jusqu’à Tafi del Valle… Ça n’est pas du tout sur notre route, mais nous savons que c’est joli, que c’est la porte d’entrée sur la vallée humide de Tucumán… Et nous avons prévu de prendre des bus après… Alors nous continuons notre route en camion, avec un chauffeur très pieux (il fait un signe de croix à chaque passage de chapelle ou de lieu saint… et il y en beaucoup sur la route, et surveille la croix sous le pare-brise, qu’il faut garder bien droite, pour la direction et la protection… pour ce genre de trucs, nous on fait plutôt confiance aux voitures modernes…) et plus concentré sur les paysages que sur la route… Une fois arrivés au col, on lui demande de nous laisser faire la descente à vélo, mais il insiste pour nous emmener à destination… Et c’est parti pour une descente toute en sueurs froides pour nous. Heureusement la vue sur le lac entouré de nuages au fond de la vallée est magnifique, on ne s’y attendait pas du tout… Notre chauffeur non plus…

Nous quittons notre chauffeur, attentionné à défaut d’être attentif, dans le centre de Tafi en fin d’après-midi, et nous nous offrons une nuit dans une vieille propriété retapée aux allures de château. Après un petit tour dans la ville (sans intérêt) à la tombée de la nuit, nous rentrons manger dans la grande salle à manger du « château », avec argenterie et gardien de nuit, qu’il faut sonner avec une clochette en argent entre deux plats : nous nous sentons comme des seigneurs (en vêtements techniques, la grande classe).

Trop dure la vie de château à Tafi del Valle

Au petit matin, la brume a recouvert la vallée givrée, nous contemplons un joli paysage d’hiver depuis la salle du petit-déjeuner. Nous ne prenons pas la peine de faire un détour jusqu’au lac qui se trouve sous les nuages, et préférons nous élancer directement à l’assaut du col de l’infernillo, 1100 m de dénivelée sur 22 km. Nous émergeons rapidement au dessus des nuages, sous le soleil.

La montée en lacets au milieu des vaches, chevaux, pâturages en herbe jaune et nuages en fond de vallée a un air de Suisse desséchée.

Meuh !

Le col est avalé en 4h de pédalage, et après une pause au sommet pour laisser les touristes nous photographier, nous redescendons en direction de Quilmes pour chercher un coin de bivouac.

La vue est belle au col de l’infernillo

Une nuit à l’observatoire ?

Après nous êtes rafraîchis dans un ruisseau, un idée un peu folle émerge : il est 18h, ce qui nous laisse 1h de soleil, l’observatoire d’Ampimpa est à 18km, majoritairement en descente avec quelques montées raides mais courtes repérées la veille en camion… Nous pensons pouvoir atteindre l’observatoire en une bonne heure et c’est à l’unanimité que nous nous élançons dans la suite de la descente. Mission accomplie à 19h passées, nous arrivons à l’observatoire à la tombée de la nuit… Il y a des jours comme ça où on est contents que nos vélos de voyage soient aussi ceux de vélotaf, avec l’éclairage qui va bien.

Les enfants nous impressionnent par leur motivation à enchaîner des observations astronomiques jusque 23h et un lever le lendemain à 6h (pour Cassandre et les adultes seulement) pour observer la Lune, et le lever du soleil un peu plus tard, après 6h passées en selle, 45 km et 1200m de dénivelée positive. Malgré un astronome bourru les enfants sont fascinés par le télescope et s’émerveillent en découvrant Jupiter et ses satellites, Saturne et ses anneaux, des amas globulaires, étoiles doubles, triples, etc.

Nous prenons une douche plus ou moins chaude, pas la première en Argentine : nous avons eu plus d’une fois des coupures d’eau, ou de l’eau tiède voire froide, finalement, les douches électriques du Pérou et de la Bolivie étaient plus fiables !

Il y a plein de cactus près de l’observatoire

Au moment de partir, la sacoche du lundi (comme le disent les Allemands) de Marie nous rejoue un tour. Cela fait quelques fois qu’on revisse son rail, là la vis est perdue. Nous trouvons une utilité au maillon de chaîne de Guillaume défaillant, et nous trouvons notre réparation à la MacGyver tellement cool que nous ne ferons même pas de réparation plus propre quand nous le pourrons.

MacGyver en Argentine

Des rencontres et des ruines

Puis nous nous dirigeons à nouveau vers Quilmes.

Descente sur la route 307

En chemin, nous rencontrons les Bulktrotters, qui commencent un voyage d’un an en Amérique du sud en camping-car. Nous discutons longtemps ensemble, et Fabricio se joint à nous quelques instants, avant de repartir avec son enthousiasme communicatif. Au moment de nous remettre en route, nous rediscutons avec un Argentin qui nous avait déjà interviewé pour une radio locale (il préparait une émission sur le tourisme). Il parle d’abord avec Guillaume, de son boulot, de la France… Puis, entre deux « ola chica » envoyés à toutes les filles et femmes qui passent sur la place, il se rend compte de l’existence de Marie, et lui demande quel métier elle fait. Après cette démonstration écœurante de sexisme ordinaire, nous discutons donc archéologie. Les sites précolombiens et pre-incas sont en fait très nombreux dans la région (contrairement à ce que racontent les guides touristiques pour lesquels il n’y en a que 3 ou 4), mais il n’y a aucune recherche. C’est même pire que ça, ça n’est pas seulement la culture des peuples locaux qui est ignorée, mais les hommes et femmes eux-mêmes : les « comunidad indigena«  ou « comunidad aborigena«  sont complètement délaissées par le gouvernement argentin, les routes ne sont pas asphaltées, il n’y a pas de services d’urgence, très peu de postes de santé, pas de 3G… Services disponibles partout ailleurs dans le pays. Par la suite, plus nous irons vers le sud, et plus nos observations confirmeront son propos.

Nous repartons tard, mais c’est ça aussi l’Argentine : tranquille ! Nous posons la tente à l’entrée du site de la cité sacrée des Quilmes, en compagnie d’ânes.

Pour changer, une roue de la carriole crève en arrivant. Nous visitons le lendemain matin ce site à l’histoire mouvementée depuis sa redécouverte. Le site est très grand et parsemé de cactus, très joli à flanc de montagne dans la lumière du matin.

Apparemment ils aimaient bien la farine

Un bus tant espéré

Nous mettons l’après-midi à rejoindre Santa Maria sur une route 40 non goudronnée.

Bouh, la photo cliché !

Là-bas nous comptons prendre un bus pour Belèn, mais nous devons attendre le lendemain 12h pour connaître la taille des soutes du bus. Nous passons donc une matinée tranquille du dimanche 31 juillet sur la place principale de Santa Maria pendant que les enfants jouent. À 12h le verdict tombe : le bus a beau être grand, ses soutes sont minuscules, on n’y ferait même pas tenir une roue de vélo.

Nous choisissons la route 40 de l’ouest pour rejoindre Casa de Piedra… Mauvais choix, celle de l’est est vraisemblablement en bien meilleur état.

Évidemment, on ne montre que le pire en photo

Mais nous passons par une Argentine non touristique, très rurale, cela change. Ensuite ce n’est qu’une longue ligne droite au milieu de paysages de savane, sans girafe malheureusement, mais avec vent de face 😖.

La carriole décide de la fin de l’étape avec une crevaison et nous bivouaquons à côté de l’église de Punta de Balasto.

Welcome in the sablar

Nous attaquons le mois d’août par une longue montée vers un plateau plat et sableux où la route est en ligne droite sur plusieurs dizaines de kilomètres.

Sur le plateau c’est aussi long et monotone (certains diraient chiant) qu’un salar, le spectaculaire en moins, on le nomme sablar. Heureusement qu’il y a des montagnes autour.

Le sablar vous souhaite la bienvenue
Un panneau indicateur très utile (pas la borne de la route 40, l’autre)
Encore une photo pour bien vous montrer la monotonie des paysages

Et on en mange pendant 2 jours car le vent de face qui se lève dans l’après-midi du 1er août fait chuter notre vitesse à un ridicule 8km/h et a raison de notre motivation.

Une tente très bien tendue sur le sable grâce aux vélos

La journée à 100km

Le lendemain par contre nous nous faisons éjecter du plateau par un fort vent de dos, qui se retournera complètement à 13h. La descente vers Belèn présente des paysages plus variés, même s’il y a encore de longues lignes droites, et la plupart des sommets qui nous entourent sont saupoudrés de neige.

Les derniers 20 km sont dans une gorge encaissée, et le rio si tranquille doit l’être beaucoup moins à la saison humide, vu les renforts en construction pour le canaliser lorsqu’il pleut.

Nous arrivons à Belèn fatigués après plus de 100 km, 170 depuis Santa Maria en 2 jours ½. Nous nous en remettons avec des pizzas et une sorte de double pizza à la milanaise qu’ils appellent hamburger (et comme il y a le contenu de toute une ferme dans un seul sandwich, ils ne prennent même pas la peine de servir des frites avec). Il faut bien une glace sur le coup des 22h pour faire passer tout ça.

Bus ou pas bus finalement ?

À Belèn, nous espérions trouver un bus pour Chilecito qui n’est qu’à 220 km de là… Hélas, il faut en fait prendre une combinaison de 3 bus dont nous ne sommes pas sûrs qu’ils acceptent tous les vélos, avec changement à Aimogasta et La Rioja, 2 jours et dans les 600 km de bus. Qu’à cela ne tienne, nous irons à vélo !

Après examen minutieux de la carte (en plus des courbes de niveaux, nous avons l’information du type de revêtement sur OsmAnd), qui donne lieu à des dialogues surréalistes du genre :

« – si la route est en pointillés gris, c’est quoi déjà ?

  • je sais pas, ça dépend des régions, ça va du stabilisé à l’asphalte, mais l’asphalte peut être miteux

  • et bleu ?

  • bétonné ou asphalté

  • j’ai l’impression que c’est gris clair et rose là»

Nous estimons en avoir pour 3 à 4 jours.

Elle m’emmène au bout de l’ennui 🎶

Certains s’amusent avec le nom de Mashad, pour nous ce fût Londres, quelques kilomètres après Belèn.

Sacré détour !
Bienvenue à Heathrow

Cette petite ville au milieu des noyers (et des agrumiers, inrattables en cette saison) nous a paru d’ailleurs être très agréable, paisible, idéale pour une pause.

Mais non, la route 40 nous appelait. Événement suivant : un virage, dans 30 km, le suivant 20 km plus loin.

Heureusement qu’il y a des panneaux pour tromper l’ennui
Et des montagnes également, pour le soutien psychologique

Au bout de 75 km, nous avons l’embarras du choix pour poser le bivouac, qui sera très agréable (chaud, pas de vent, on se contente de peu).

Vous pardonnerez au micro-capteur la non-reproduction des couleurs fluo du ciel, il est dépassé le pauvre

Le lendemain nous sommes frustrés par l’absence du panneau 4000 km car il a lieu sur la portion commune avec la route 60. Nous traversons ensuite une zone plus peuplée qu’on ne le pensait autour de San Blas de Los Sauces, autour de midi.

S’il n’avait pas été midi, on se serait arrêté là

Oh, un resto (où nous ne commanderons même pas de pâtes à la sauce), oh, un glacier !

Tout va bien, plus que 40 km

Et puis, c’est reparti pour de longues lignes droites. Cette fois-ci ce sont les travaux de pose de fibre optique qui nous divertissent. Et puis… on ne vous avait pas encore parlé du polythéisme catholique ! Notre trajet est parsemé (depuis la Quiaca quand même) d’arbres recouverts de tissus rouges indiquant des autels aux saint locaux : virgen del valle, gauchito gil, san expedito, diffunta correa par exemple. Autel accompagné au minimum d’un asado, et même de tables et de chaises, ce qui peut faire de très bons coins de bivouac.

Version grand luxe avec le four
Saint patron des meubles en kit
Dans un bâton-ivre, ou arbre-perrier

Après donc un bivouac confortable, nous partons tôt vendredi 5 août pour la dernière journée de pédalage, avec 95 km au programme. Encore des lignes droites de plusieurs kilomètres (et dire qu’on trouvait les Landes monotones l’été dernier) avec pour seuls événements les quelques villages, et les quelques virages.

Une photo de ligne droite, pour la forme

C’est l’occasion de grandes discussions avec les enfants, à propos de tout et de rien, de ce qui nous entoure. C’est aussi l’occasion pour eux de passer de longues heures de jeux tous les deux dans la carriole, pendant que les parents papotent.

L’arrivée à Chilecito se fait en toute fin d’après-midi, au milieu des déchets de la décharge soufflés par le vent. Le nord-ouest de l’Argentine est très propre, les seuls déchets que nous ayons vus sont des bouteilles de bière au bord des routes, le verre n’est d’ailleurs pas recyclé ici. Mais plus nous descendons vers le Sud, plus il y a de déchets. Des voyageurs venant de l’est nous ont dit la même chose : cela devient propre à partir de Tafi, avant les villages sont annoncés par les déchets et les chiens écrasés.

Et voilà, 220 km en 3 jours ! Nous nous accordons un jour de pause à Chilecito.

P.S. : nous avons édité l’article précédent où nous avions oublié le récit d’un petit sketch comique de la police

Et nous avons aussi simplifié l’ajout de commentaires, à priori il n’y a plus besoin d’enregistrement, n’hésitez pas à vous en servir !

3 commentaires sur “De Cafayate à Chilecito : un détour et de grandes lignes droites

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  1. Je suis votre périple depuis le début. Il n’y a que le vélo qui peut offrir ce type de voyage ! Nous sommes quasi passés sur les mêmes routes, en famille aussi, il y a maintenant 2 ans ! A San Blas, nous avions été hébergé chez une famille pendant 2 jours de manière fabuleuse !
    Profitez !
    Bonne route à vous !
    Guillaume

    1. Nous avions suivi la fin de votre voyage aussi ! Et bien épluché les articles de votre blog pour préparer notre voyage, ce n’est pas tout à fait un hasard si nous passons presque par les mêmes routes… 😏

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