Les premiers kilomètres au départ de Salta se font sur la même route que l’arrivée, sur une piste cyclable. Nous traversons à nouveau des zones de supermarchés et de garages, youpi, et nous arrêtons pour goûter les humitas, accompagnés de quelques empanadas au milieu des gaz d’échappement, ça donne du goût. Nous découvrons aussi les joies de la chaîne chinoise dont les maillons ne supportent pas le dérive chaîne et s’écrasent, et Guillaume profite de la pause pour remplacer le maillon fautif par un rapide qu’on avait en stock. On garde tout de même ce maillon faible, et maintenant nous pouvons rouler sans schklong dans le dérailleur à chaque tour de chaîne. C’est donc en début d’après-midi que nous quittons vraiment la ville de Salta, à travers des champs et des nuées de perroquets bruyants (non seulement ils sont nombreux, mais en plus c’est laid le cri du perroquet). Nous pédalons quelques kilomètres en compagnie d’un cycliste qui rentre du travail à vélo, 20 km matin et soir, tout ça en espagnol, on a fait des progrès !
Nous avançons bien dans cette grande plaine bordée des hautes montagnes des pré-Andes. En milieu d’après-midi nous avons droit à un sketch de la police pour nous divertir : ils ne veulent pas nous laisser continuer car ils trouvent ça trop dangereux (enfin, un gentil automobiliste leur a dit que). Ouverts à toutes suggestions, nous nous enquiérons d’une éventuelle autre route, ou de la possibilité qu’ils nous transportent en camioneta, voire même de l’existence d’une loi interdisant de rouler à vélo en Argentine… Ensuite ils trouvent que nos systèmes d’attache ne sont pas assez solides… On rigole bien intérieurement, mais on se contente de leur dire que c’est homologué pour le transport d’enfants en Europe, et ici en Argentine aussi. Bref, ils finissent donc par nous laisser partir car ils ne peuvent rien faire. Ils nous rappellent d’être prudents…
Nous sommes un peu agacés par cette erreur classique entre danger réel et danger perçu, surtout venant des forces de l’ordre (c’est pourtant évident que déplacer 150 kg à 15 km/h est plus dangereux que 1,5t à 150 km/h). On aurait pu leur faire une suggestion d’actions à mener pour améliorer la sécurité : faire de la prévention en rappelant les règles de dépassement aux automobilistes par exemple… Mais apparemment faire du vélo est plus dangereux que : se déplacer à 5 sans casques ou autres protections sur un scooter/moto, rouler à 110 km/h avec des enfants qui jouent debout dans la benne du pickup, avoir ses enfants non attachés dans la voiture, ou sur ses genoux en conduisant…
Après cet intermède comique nous arrivons près du lac artificiel de la vallée de Lerma en toute fin d’après-midi, et suivons les premiers panneaux qui indiquent un camping. Le camping en question, installé près d’une base nautique et d’une zone de pêche, est fermé, mais nous posons tout de même la tente près d’une table de pique-nique, avec un évier, un barbecue et de la lumière, pour une soirée tout confort.
Le lendemain, en plus de la condensation dans la tente qui ne nous était plus arrivé depuis bien longtemps, nous admirons le lever de soleil sur le lac brumeux, au milieu des oiseaux.
C’est dimanche, les premières familles argentines arrivent dès 9h, certains allument le feu pour l’asado (il paraît que pour un bon asado il faut laisser chauffer pendant plusieurs heures avant… Avec 500g de viande par personne, on n’est pas à quelques heures de feu inutile près), tandis que d’autres s’installent pour une partie de pêche. Pendant ce temps-là, nous plions le camp, et reprenons la route. Nous faisons une pause à Coronel Moldes (après Ingenieur Maury et Gouverneur Manuel Sola… certains noms de village sont assez étranges dans la région), l’appel des empanadas a encore été trop fort… L’ambiance animée de la petite ville est très agréable.
Un peu plus loin nous faisons une pause forcée folkorico-religieuse : la route est barrée par plusieurs dizaines d’argentins en tenue de gauchos, avec leurs montures, pendant que les enfants de l’école dansent en costume. Nous profitons du spectacle… avant de voir passer une procession religieuse à laquelle cavaliers, danseurs et public emboîtent le pas.
Nous traversons encore des paysages de plaine agricole, dans une ambiance hivernale, mais pas complètement, il fait chaud et il y a pas mal d’arbres qui ont gardé leurs feuilles.
Puis nous voyons les montagnes couleur bordeaux commencer à se resserrer autour de nous. Nous bivouaquons près du rio et de la route, mais entourés d’arbres, à l’entrée de la quebrada d’Alemana.
Finies les réveils aux températures négatives, il fait 5°C le matin, un vrai confort pour nous, nous nous passons même doudounes ! Nous nous engageons dans la quebrada, entourés de pierres rouges et de cactus (différents de ceux qu’on voyait un peu plus haut). La route monte tout doucement, et offre quelques jolis points de vue.
À l’entrée de la quebrada de Cafayate, nous trouvons les bus de touristes et quelques formations géologiques impressionnantes : gorge du diable, l’amphithéâtre…
Nous avons aussi l’impression de faire partie de l’attraction touristique : quand nous nous arrêtons à un endroit, cela crée un attroupement de touristes autour de nous, tout le monde nous prend en photo. Quand on a discuté un peu avec les gens et qu’ils nous demandent l’autorisation, il n’y a pas de soucis, mais par contre sans nous parler ni nous demander, cela commence à nous agacer… On ne compte plus le nombre de téléphones et d’appareils photos qu’on a vu pointés vers nous depuis les voitures nous dépassant ou à l’arrêt, sans un mot. Bref, les touristes argentins sont mal-élevés ici, et si le vélo les impressionne tellement, ils ont qu’à en enfourcher un !
Nous bivouaquons juste à côté du crapaud, une roche qui a la forme de l’animal, les bus de touristes sont partis, on est tranquilles au milieu d’un paysage superbe !
Si la quebrada ne nous a pas paru extraordinaire le premier jour, elle dévoile le lendemain sous nos yeux des couleurs incroyables, et tout plein de zones de roches façonnées par l’eau et le vent.
C’est magnifique… même si le ballet des touristes impolis recommence (le mieux : ceux qui rigolent quand on leur fait remarquer qu’ils auraient pu demander avant de nous prendre en photo). Par 35°C à l’ombre notre réserve d’eau descend vite.
Les derniers kilomètres à l’approche de Cafayate voient apparaître les premières bodega, ou cave viticole, avant de traverser une longue (et morne) plaine sableuse plantée d’arbres. Nous arrivons enfin dans le village, ou nous trouvons une auberge et un comedor pour nos empanadas du midi.
Nous ne restons qu’une nuit à Cafayate mais découvrons quelques vins de la région… sous forme de glace (et aussi sous forme plus classique le soir au resto). Il y a aussi d’excellents alfajores ici, pour un peu on resterait un jour de plus !
Le lendemain, nous nous rendons compte au moment du départ que le pneu de Cassandre est à plat, nous avons encore roulé sur quelque chose en arrivant ! Une équipe répare pendant que l’autre va faire des courses. Nous tournons aussi un peu pour acheter les 2-3 choses qui manquent. Après toutes ces péripéties, il est presque midi, et comme il y a ici un resto avec 12 sortes d’empanadas… En attendant qu’ils soient prêts, Guillaume change ses gaines de dérailleur à son tour et Marie va racheter de ces très bons alfajores.
Il ne nous reste plus qu’un mois de voyage, beaucoup de choses qu’on a envie de voir et de kilomètres à parcourir, trop pour tous les faire à vélo. Nous essayons donc de planifier ce dernier mois, les portions à vélo et les portions en bus. Nous avons l’impression que le voyage touche à sa fin et de rentrer à la maison… Mais finalement, un mois de voyage, c’est encore long.
Puis nous repartons plein sud sur la route 40, avec un planning qui volera en éclats dans la journée…
C’est rigolo de voir les couleurs d hiver sur cette route. Bon j’espère que vous n’avez pas eu de gros soucis pour la suite du trajet. bonne route !
On n’a juste pas eu les bus qu’on escomptait… On a donc beaucoup pédalé ! Pour l’hiver, s’il n’y avait pas la végétation pour nous l’indiquer, on n’y croirait pas vu les températures. Vous avez dû y crever de chaud en décembre.