De Purmamarca à Salta : une grande boucle par Susques et San Antonio de los Cobres, dans le farnorthwest argentin

Ce blog tourne à la telenovela : épisode 253, rien n’a changé : il y a toujours des lamas, des salars, des cols à 4000m, du sable et du vent. Sauf que nous ne sommes plus sur l’altiplano mais dans la puna. Guillaume avait envie de voir encore un salar, Marie avait envie de voir le train des nuages, Cassandre préfère que ce soit difficile et beau que facile et sans intérêt, et la suite de la route 9 par San Salvador de Jujuy nous semblait peu intéressante, alors l’idée a germé la nuit précédente : nous sommes partis sur la route 52, pour remonter vers les Andes, au dessus de 4000m…

Du vent à en renverser les camions

Après notre petit tour de la montagne aux sept couleurs au matin du dimanche 10 juillet, un petit vent de face se lève. Nous pédalons vers le nord-ouest, la direction dominante du vent n’a pas changé : ouest, mais avec une composante turbulente entre nord et sud. Cependant la route 52 à l’asphalte impeccable s’élève doucement, au milieu d’une large quebrada aux montagnes colorées tantôt rouge, jaune, gris…

Après notre pause pique-nique à l’ombre et à l’abri du vent sous un arbre (qui a encore ses feuilles, étrange en hiver, mais bien agréable), cela se corse : le vent ne fait que se renforcer. Et ni la brève discussion avec Vincent et Constanza qui eux montent en voiture, ni la vue de l’impressionnant canyon aux bords gris sculptés par les rares pluies et parés de cactus dans lequel nous nous trouvons, ne nous aide à lutter contre le vent.

Entre deux rafales où nous nous arc-boutons sur les vélos, freins serrés pour ne pas reculer ni tomber, nous apercevons accessible par une piste un terrain de foot sableux : il est 16h, nous jetons l’éponge. Après 1km de piste et un arrêt au ruisseau traversé pour enfin ôter la boue salée de Coipasa de nos montures, nous bivouaquons à Lipán. On nous a indiqué encore mieux que le terrain de foot sableux : en contrebas de l’église et de l’école, sur un bout de pelouse au milieu de grands arbres. Là, à l’abri du vent, nous passons une bonne fin d’après-midi, les enfants profitent des jeux de l’école et nous pouvons réparer la roue de la carriole qui s’est ornée d’une énorme épine en arrivant au bivouac (2ème crevaison sur la carriole en peu de temps, on espère qu’on ne commence pas une série).

Le réveil est doux : toujours pas de gelée ce matin 🙌. Nous nous dépêchons de replier car aujourd’hui est jour d’école. Nous assistons à l’arrivée des élèves à pied, en voiture, et à dos d’âne, ainsi qu’au lever du drapeau au son de l’hymne national chanté par les élèves… Nous sommes très contents d’assister à ces moments de la vie quotidienne, même si Cassandre est interloquée par l’épisode patriotique. Côté vent par contre nous nous préparons à une mauvaise journée : il s’est levé en même temps que nous. Nous attaquons la première série de lacets de la cuesta de Lipán, accompagnés sur les premiers par un cavalier et sa monture : nous sommes bien en Argentine !

Le vent est une vraie plaie car il suit le relief et est assez turbulent, en plus de se renforcer au fur et à mesure de la journée : il nous arrive donc d’enchaîner plusieurs lacets successifs avec le vent de face systématiquement 😤.

Après avoir mangé dans le drain d’une grande courbe pour être à peu près à l’abri du vent nous attaquons la deuxième série de lacets. Nous recommençons le même petit jeu qu’hier : arc-boutés sur les vélos et freins serrés au coeur des rafales… Sauf que nous n’avons que quelques secondes de répit entre les rafales. Nous commençons à envisager le plan B comme bivouac, lorsque un automobiliste qui descend nous conseille plutôt de redescendre et de retenter demain où la météo serait meilleure (il connaît bien cette route à vélo)… Sauf que ce genre d’option est plutôt de l’ordre du plan Z pour nous ! Alors nous passons au plan S comme stop : à la 2ème camioneta qui passe, c’est plié. Nous sommes montés de 600m à vélo, les 500m restants seront motorisés, et nous nous faisons déposer au col d’Abra Potrerillos, à 4170m, où nous trouvons de jolis lamas en laine pour remplacer les doudous des enfants oubliés dans un hôtel quelques jours plus tôt.

Une photo qui a du flare 😂

Dans la montée nous avons d’ailleurs croisé un camion de voitures couché par le vent, voitures japonaises d’occasion ayant accosté au Chili et filant au Paraguay. Nous redescendons en pédalant, ballottés par le vent (sensation étrange que celle de se faire stopper par une rafale dans une pente à -6℅), et posons la tente encore entourés de reliefs, quelques kilomètres avant le salar de Salinas Grandes.

Le retour des salars et de la pampa

La nuit est atmosphériquement agitée, mais le matin calme. Les 15 km jusqu’au salar de Salinas Grandes sont vite parcourus. Au premier parking, il faut payer un guide et avoir une voiture pour aller sur le salar… nous pédalons un peu plus jusqu’à un deuxième parking, moins fréquenté, et d’où l’on peut voir l’exploitation du sel. Nous nous amusons à marcher de nouveau sur le sel, prenons des photos avec les statues en sel, et observons et ramassons le sel qui cristallise dans les tranchées.

Nous repartons pour plusieurs dizaines de kilomètres à plat, en ligne droite, dans la pampa. Heureusement que des vigognes égayent ce trajet. Les vigognes en Argentine ont d’ailleurs le pelage globalement plus clair et avec une zone blanche plus étendue que celles du Pérou et de Bolivie

On se demande bien qui sont les animaux en liberté…

Après notre pause de midi (enfin, 14h, pour coller au rythme argentin et pédaler le plus de temps possible sans vent le matin) nous repartons avec le vent qui s’est levé entre temps. Évidemment, il est de face et notre vitesse chute. Nous bivouaquons à la fin de la partie pampa, lorsque c’est encore plat, en laissant la montée pour le lendemain.

Nous ne nous lassons toujours pas d’observer les levers et couchers de soleil en bivouac

Quebradas à gogo

Nuit pas trop froide, et réveil sans vent ! Nous filons nous enfoncer dans les quebradas, en commençant par celle de Mal Paso. Le soleil n’en atteint pas le fond et c’est dans une ambiance gelée de coupe-gorge de western que nous avançons.

À 13h, les 20 km de montée sont derrière nous. Avant la grande descente pour Susques s’offre à nous un panorama inoubliable.

La ligne des sommets servant de frontière entre l’Argentine et le Chili s’étale du Nord au Sud, à perte de vue et nous sert d’horizon. À nos pieds, il n’y a que des canyons dans cette région si haute, si aride, où le ciel est d’un bleu profond. Nous comprenons pourquoi nous sommes remontés ici depuis la vallée de Humahuaca au climat pourtant plus doux : ces montagnes excercent trop bien leur beauté magnétique sur nous. Et pourtant, nous en avions déjà bien profité entre Chili et Bolivie.

Le vent s’est levé entre temps, de face évidemment. Heureusement que cela descend fort vers Susques !

Nous remplissons les sacoches à Susques, pour les 4 jours suivants (plus une grosse marge due à notre syndrome post-Bolivie). Nous recroisons Paula et John, croisés au Pérou juste après Abancay. Ils sortent de Bolivie et sont bien contents d’en être sortis… Ça nous rappelle quelque chose ! Pour dormir dans cette zone un peu perdue, mais au croisement de la route 52 qui se prolonge jusqu’au Chili et notamment San Pedro de Atacama et de la touristique route 40, nous ne trouvons qu’un hôtel touristique très cher, ou des hospedajes miteuses… Mais avec calefaccion, wifi y desachuno incluido (chauffage, wifi et petit-decheuner pour la traduction), va pour l’hôtel et jouons aux touristes fortunés !

Pistes, nous voilà !

Pour le 14 juillet nous reprenons donc la route 40 que nous avions laissé du côté de Pozuelos. Ça monte et ça descend à environ 7-8℅, ça réveille, mais qu’est-ce que c’est beau.

Heureusement que la piste vient d’être nivelée sur les cinq premiers kilomètres, cela nous permet de quitter la route des yeux et de profiter des paysages.

Mais que peut bien vouloir dire ce panneau ?

Notre ami le vent se lève à 11h, mais ne nous gênera pas trop. Nous mangeons dans un petit comedor à Huancar et bien plus tard nous posons le bivouac près d’un rio.

Le long de cette route 40 il n’y a rien, ou pas grand chose… Enfin si, nous sommes là. Là pour observer cette beauté minérale, ces roches déchiquetées, usées, sculptées par le vent, l’eau et le temps. Là pour regarder ces plantes aux formes tarabiscotées s’accrocher dans ce désert froid. Là pour nous sentir bien sous ce ciel si bleu le jour, si clair la nuit sous la voute étoilée. Là pour écouter le bruit du vent dans les roches, sur le sable, dans les plantes sèches. Là pour nous émouvoir des pas de nos enfants sur le sable. Qu’est-ce qu’on est bien ici, au milieu de ce si beau nul part !

Du vent et du sable

Le lendemain, on déchante ! Le vent se lève avant le soleil et histoire d’en rajouter la glissière extérieure de la tente lâche au moment de replier la tente… Maladie classique des tentes de voyageurs trop exposées au sable. Un nettoyage de la fermeture, un peu de crayon à papier pour lubrifier, quelques coups de pince et c’est réparé, mais nous ne partons qu’à 11h30.

Les jolies herbes jaunes bouclées de la puna

Nous atteignons péniblement les abords de Pastos Chicos où encore une fois le cimetière nous offre un abri pour manger. Quelques kilomètres de vent violent de côté plus loin et nous nous jetons dans un trou assez gros pour notre tente et nos vélos. Nous passons la fin de l’après-midi à jouer au Uno en écoutant le vent mugir dehors et à nous faire malgré tout un peu ensabler.

Nous décrétons cette journée comme étant la pire du voyage lorsque la batterie de la lampe de bivouac nous lâche (pas de soucis, on la rechargera en roulant le lendemain).

Comme on s’y attendait, notre trou a fait effet de fosse à froid pendant la nuit, il est difficile de sortir des couettes par -13°C, malgré tout nous replions tout rapidement et partons à 9h30. Nous voulions pouvoir pédaler tôt pour éviter au maximum le vent et nous sortir de la puna… Mais celui-ci ne se lèvera pas aujourd’hui et on aura une très belle journée chaude.

La puna c’est droit, c’est plat, c’est sableux…

Tuzgle, inoubliable Tuzgle

Puesto Sey marque la fin de la puna et l’entrée dans la magnifique quebrada de agua caliente au pied du majestueux volcan Tuzgle.

Une entrée monumentale !

La piste y est un peu sableuse, mais nous prenons notre temps au milieu des « grosses pierres lourdes », comme le dit Hector.

L’eau du ruisseau est en effet tiède tout le long, grâce aux eaux chaudes qui s’y déversent en haut de la quebrada. Nous nous arrêtons en milieu d’après-midi au point de sortie de ces eaux pour y tremper les pieds, ne rien faire au soleil, et poser le bivouac dans la maison abandonnée à côté.

C’est agréable de se réchauffer les pieds après une journée de vélo facile !
Bivouac avec vue sur le volcan Tuzgle

Dimanche 17 juillet, direction San Antonio de Los Cobres ! Un petit col à 4450m pour la forme et nous évoluons sur un haut-plateau arrondi et pelé, au pied du volcan Tuzgle qui nous dévoile sa dernière coulée de lave, et entourés de sommets enneigés.

Le vent s’est remis à souffler, mais de dos cette fois-ci, nous battons nos records de vitesse sur piste (et de freinage d’urgence, car arriver à 40 km/h sur de la tôle ondulée, ça secoue).
Nous nous engoufrons ensuite dans une quebrada encaissée, sur une piste mal entretenue et peu large (passage de la province de Jujuy à celle de Salta). Le festival de couleurs reprend, et lorsque la route passe du beige au violet, nous avons l’impression que nos yeux nous jouent des tours.

En vrai le rose-violet de la route est encore plus soutenu

Nous repassons de nombreux gués, ce qui amuse toujours autant les enfants, sauf que cette fois-ci c’est façon brise-glace.

Nous rejoignons le train des nuages à son terminus au viaduc courbe de Polvorilla.

Les 20 derniers kilomètres sont beaucoup plus longs que prévu. Même si cela descend, la route 40 est très sableuse et avec tout le passage pour aller au viaduc, la tôle ondulée barre toute la route. Nous arrivons à San Antonio de Los Cobres éreintés, heureusement nous trouvons une hospedaje (El Amanecer Andino) à l’accueil très sympathique pour nous en remettre.

140 km de descente

Avant ces 140 km de descente sur Salta, il y a quand même 30 km de montée et de plat sur pistes. Mais encore avant nous faisons quelques courses et ne résistons pas à l’appel des empanadas frits dans la rue… Il est presque midi lorsque nous quittons San Antonio de Los Cobres. Après avoir gravi les premiers kilomètres de côte, une camioneta tractant une remorque avec un quad s’arrête et nous propose de nous avancer… Nous ne refusons pas (ne jamais refuser !). À 100 km/h sur les pistes et 150 sur la route, ça va tout suite plus vite… Ce n’est pas un mythe, les argentins conduisent très vite. Nous nous faisons déposer au col d’Abra Blanca à 4100m d’altitude, après un bon raccourci de 25 km. Vu l’état de la piste, nous aurions poussé : très sableux, et avec de la tôle ondulée sur toute la largeur (beaucoup de passage), mais une route goudronnée est en construction… après tout, nous sommes sur une route nationale !

Au revoir la puna

Les 140 km de descente commencent donc… très fort, et très vite, nos records de vitesse sont explosés ! Les montagnes sont toujours très colorées.

À partir de 3800 m les cactus font leur apparition, et autour de 3100 m, lorsque nous arrivons à Santa Rosa de Tastil, ce sont les arbres qui sont présents. Entre temps nous avons vu au pied de montagnes colorées des chevaux paître dans des prairies jaunes clôturées de bois de cactus… il n’y a pas plus cliché sur la région !
En cette fin d’après-midi nous observons le ballet des minibus touristiques qui s’arrêtent ici pour la pause toilettes et achat d' »artisanat » andin (le même qu’on voit depuis le lac Titicaca, pas gagné que ce soit très local). Nous bivouaquons derrière l’église.

Le lendemain le réveil est agréable : il fait chaud ! Quelques kilomètres de piste plus loin, nous arrivons sur le gigantesque site précolombien de Tastil, bien caché sur un sommet dominant la route 51. Le site est moins restauré que celui de Tilcara, on ne se croit pas à Disneyland. Cette ville était vraiment immense, se promener au milieu de ces ruines et des cactus, avec une vue sur les environs est très agréable.

Nous aimons beaucoup le bois de cactus

Nous sommes quasiment seuls sur le site, les bus touristiques ne s’arrêtent donc que pour l’arrêt pipi-shopping, c’est consternant !

Nous repartons à 11h, bien motivés pour atteindre Salta. Mais c’était sans compter sur le vent, que nous prenons en pleine face à la sortie de la quebrada dans laquelle nous étions (merci d’avoir complètement changé de sens !). Un vent glacé en plus !

Dans la quebrada, au chaud, sans vent
Et hop, vent de face bien glacé, mais une bonne descente !

Pour redescendre nous traversons de nombreuses quebradas : del Toro, de Carachi (nous sommes pourtant bien en Argentine, le Pakistan sera pour plus tard). Les montagnes sont toujours très colorées… la montagne aux sept couleurs de Purmamarca n’est vraiment pas unique, et d’ailleurs nos préférées restent celles d’Hornacal et de las Señoritas.

Dans cette descente vers Salta, c’est le monde à l’envers (OK, on est dans l’hémisphère sud) : plus on descend et plus il fait froid. De grand ciel bleu, beau soleil et 25°C à 3100m, nous arrivons à 1600m par 5°C et sous les nuages. Et les 20 derniers kilomètres ne sont pas asphaltés.

Ceci est une route nationale ! Admirez l’ambiance blanche

Nous nous arrêtons à Campo Quijano.

Les carnicerias (et pollerias… c’est vrai que le poulet n’est pas de la viande…) doivent être le commerce le plus présent dans les villes argentines

Retour à la civilisation

Après un bon petit déjeuner et un détour pour aller voir la locomotive à vapeur aperçue la veille, nous reprenons notre route vers Salta.

Cela descend régulièrement, et nous sommes entourés de végétation, c’est agréable.

En nous rapprochent de Salta nous croisons d’abord de très belles propriétés, puis ce sont les noeuds de voie rapide et les zones commerciales avec supermarchés, garages et compagnie (quel beau modèle d’urbanisation nous retrouvons ici). Mais au milieu de tout ça, il y a une piste cyclable qui longe la route 51 puis la 68 et qui nous dépose presque au centre.

Un commentaire sur “De Purmamarca à Salta : une grande boucle par Susques et San Antonio de los Cobres, dans le farnorthwest argentin

Ajouter un commentaire

Laisser un commentaire

Fièrement propulsé par WordPress | Thème : Baskerville 2 par Anders Noren.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :